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rivières ou dans leur lit on pouvait ramasser les dépôts de milliers d’années avec les moyens les plus primitifs, et considérer une once d’or par jour comme un salaire ordinaire. Les plaines, couvertes d’une herbe nourrissante, renfermaient d’énormes troupeaux de chevaux et de bœufs, si bien que le voyageur pouvait en toute liberté y choisir un cheval frais, ou, s’il avait besoin de nourriture, tuer un jeune bœuf en laissant seulement au propriétaire la seule chose ayant de la valeur, la peau. Dans le riche terrain qu’on cultiva d’abord, il suffisait de labourer et de semer pour obtenir des récoltes comme on n’en aurait obtenu dans un vieux pays, qu’à force de culture et de travail, si même cela eût été possible. Au commencement de l’histoire de la Californie, nous voyons donc au milieu de la profusion de richesse offerte par la nature, les salaires et l’intérêt être plus élevés que dans n’importe quelle autre partie du monde.

Cette profusion de la nature vierge, diminua rapidement avec les emprunts de plus en plus grands que faisait une population toujours croissante. On cultiva des terres labourables de plus en plus pauvres jusqu’au jour où il n’en resta plus valant la peine d’en parler ; pour exploiter les mines d’or il fallait des capitaux, beaucoup d’habileté, des machines compliquées, et courir de grands risques. « Les chevaux coûtèrent de l’argent » et le chemin de fer amena à travers les montagnes le bétail nourri dans les plaines de la Nevada et tué dans les boucheries de San-Francisco, pendant que les fermiers commençaient à économiser la paille, à chercher des engrais et que la terre ne rapportait guère que trois récoltes sur quatre ans de culture sans irrigation. En même temps, les salaires et l’intérêt avaient baissé. Bien des gens étaient heureux de recevoir pour une semaine de travail ce qu’ils demandaient jadis pour un jour ; on prêtait de l’argent pour un an à un taux qui aurait paru jadis plus que raisonnable pour un mois. Est-ce que le rapport entre la moins grande force de production de la nature et le