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riture. Si je prends un valet de pied j’enlève à la charrue un laboureur, ou du moins cela est dans les possibilités. Pour élever et conserver un cheval de race il faut autant de soin et de travail que pour élever et conserver beaucoup de chevaux de travail.

La destruction de richesse que comporte une grande illumination, ou les coups de canons qui saluent un événement heureux, équivaut à la combustion d’aliments pour une valeur égale ; l’entretien d’un régiment de soldats, ou d’un navire de guerre et de son équipage, est comme l’application à des usages improductifs d’un travail qui aurait pu produire la subsistance de plusieurs milliers d’individus. Donc la puissance qu’a un peuple de produire les nécessités de la vie ne doit pas être mesurée par les nécessités de la vie actuellement produites, mais par la dépense de force sous toutes les formes.

Les raisonnements abstraits sont inutiles ici. La question est une question de fait. La force relative de production de richesse décroît-elle à mesure que la population s’accroît ?

Les faits sont si clairs qu’il suffit d’appeler sur eux l’attention. Nous avons vu dans les temps modernes des communautés dans lesquelles la population augmentait. N’ont-elles pas en même temps progressé, et même plus rapidement, en richesse ? Nous voyons aujourd’hui beaucoup de communautés où la population augmente encore. Leur richesse n’augmente-t-elle pas encore plus vite ? Met-on en doute que pendant que l’Angleterre augmentait sa population de deux pour cent par an, sa richesse croissait dans une proportion beaucoup plus considérable ? N’est-il pas vrai que pendant que les États-Unis ont doublé de population tous les vingt-neuf ans, leur richesse a doublé beaucoup plus vite ? N’est-il pas vrai que dans des conditions semblables, c’est-à-dire dans des communautés peuplées de races semblables, et civilisées au même degré, la communauté dont la population est la plus dense est aussi la plus riche ? Les États très peuplés de l’Est ne sont-ils pas plus riches en proportion de la population que les états moins peuplés de l’Ouest ou du