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ture et non l’injustice de la société qui est la cause de la punition attachée à l’excès de population. Une injuste distribution de la richesse n’aggrave pas le mal, mais le fait, peut-être, sentir plus tôt. Il est inutile de dire que toutes les bouches créées par l’accroissement de l’humanité ont des mains pour les servir. Les nouvelles bouches demandent autant de nourriture que les anciennes et les mains ne produisent pas autant. Si tous les instruments de production étaient mis en commun par le peuple tout entier, et si le produit était partagé avec une égalité parfaite, et si dans une telle société l’industrie était aussi développée, et le produit aussi considérable que dans le temps présent, la population existante entière pourrait vivre dans l’aisance ; mais lorsque cette population aura doublé comme cela aurait inévitablement lieu au bout d’un peu plus de vingt ans, étant données les habitudes existantes du peuple stimulées par un tel encouragement, quelle sera alors la condition de cette population doublée ? À moins que les moyens de production ne soient, pendant ce temps, améliorés à un degré dont on n’a pas d’exemple, la mise en culture des terrains de qualité inférieure, et l’application d’une culture plus difficile et moins rémunératrice aux sols de qualité supérieure, pour procurer de la nourriture à la population doublée, rendraient, par une nécessité insurmontable, chaque individu plus pauvre qu’auparavant. Si la population continuait à augmenter dans les mêmes proportions, un temps viendrait où chacun en serait réduit à l’indispensable, et la mort arrêterait tout accroissement subséquent[1]. »

Je nie tout cela. J’affirme que le contraire même de ces propositions est vrai. J’affirme que dans un état donné quelconque de civilisation, un plus grand nombre d’individus peuvent collectivement être mieux nourris qu’un plus petit. J’affirme que c’est l’injustice de la société, et non l’avarice de la nature, qui est la cause du besoin et de la misère que la théorie courante

  1. Principes d’Économie politique, livre I, chap. xiii, sect. 11.