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fant, dans les premiers mois de son existence ? Du fait qu’à sa naissance l’enfant pesait dix livres, et huit mois après vingt livres, Adam aurait pu, avec les connaissances arithmétiques que lui supposent quelques sages, chiffrer un résultat aussi frappant que celui de M. Malthus, c’est-à-dire qu’à dix ans son enfant devra peser autant qu’un bœuf, à douze autant qu’un éléphant, et à trente dans les environs de 175,716,339,548 tonnes.

Le fait est que nous n’avons pas plus besoin de nous tourmenter à propos de l’excès de population par rapport aux moyens de subsistance, qu’Adam n’avait besoin de se tourmenter de la croissance rapide de son enfant. S’il est une déduction réellement tirée des faits et suggérée par l’analogie, c’est celle-ci : la loi de la population renferme d’aussi belles adaptations que celles révélées dans les autres lois naturelles, et nous n’avons pas plus de raison de supposer que l’instinct de la reproduction, dans le développement naturel de la société, tend à produire la misère et le vice, que nous n’en aurions de supposer que la force de la gravitation doit précipiter la lune sur la terre, et la terre sur le soleil, ou de supposer, d’après la contraction de l’eau qui se produit avec l’abaissement de température au-dessous de 32 degrés, que les rivières et les lacs doivent geler jusqu’au fond à la moindre gelée, et qu’à cause de cela les régions tempérées de la terre sont inhabitables, même pendant les hivers modérés. Bien des faits connus prouvent qu’à côté du frein positif et du frein de prudence de Malthus, il y en a un troisième qui entre en jeu à mesure que s’élève l’étalon du confort, et le développement de l’intelligence. La proportion des naissances est plus grande dans les nouveaux établissements où la lutte avec la nature laisse peu de temps pour la vie intellectuelle, et parmi les classes pauvres des vieux pays qui, au milieu de la richesse, sont privées de tous les avantages qu’elle procure et réduites à une vie animale, que parmi les classes auxquelles l’accroissement de la richesse a apporté l’indépendance, les loisirs, l’aisance et une vie plus complète et plus variée. Ce fait,