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prendre une bouchée de viande à son goût ; tous les règnes de la nature mis à contribution pour ajouter aux charmes de Cléopâtre, et des colonnades de marbre, et des jardins suspendus, et des pyramides élevées pour rivaliser avec les collines. En passant à des formes supérieures du désir, nous en trouvons chez l’homme qui sommeillent chez la plante et se retrouvent peut-être vaguement chez la bête. Les yeux de l’esprit s’ouvrent et l’homme a soif de savoir. Il brave la chaleur desséchante du désert, et le souffle glacé de la mer polaire, et ce n’est pas pour trouver de la nourriture ; il veille des nuits entières pour suivre les mouvements des étoiles éternelles. Il ajoute fatigue sur fatigue, pour satisfaire une faim qu’aucun animal n’a ressentie, pour étancher une soif que jamais bête n’a connue.

En dehors de la nature, en l’homme lui-même, naissent, à propos du brouillard qui enveloppe le passé et de l’ombre qui plane sur l’avenir, des désirs qui ne lui laissent pas de repos, alors que les désirs des animaux sont endormis dans la satisfaction. Derrière les choses, il cherche la loi qui les régit ; il veut savoir comment a été formé le monde, comment sont suspendues les étoiles, et découvrir les sources de la vie. Alors, quand l’homme a développé la noblesse de sa nature, naît un désir supérieur encore, la passion des passions, l’espérance des espérances, le désir que lui, homme, puisse aider en quelque sorte à rendre la vie meilleure et plus belle, en détruisant le besoin et la faute, le chagrin et la honte. Il maîtrise et soumet l’animal, il tourne le dos au festin et renonce au pouvoir, il laisse à d’autres le soin d’accumuler des richesses, de satisfaire des goûts agréables, de se chauffer au soleil de ce jour si court. Il travaille pour ceux qu’il n’a jamais vus et ne verra jamais, pour acquérir de la gloire, ou simplement pour qu’on lui rende justice, longtemps après que les mottes de terre sont tombées avec fracas sur son tombeau. Il travaille au progrès, là où il fait froid, sans recevoir d’encouragement des hommes, et les pierres