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mages enlève au cultivateur tout le produit de son travail sauf juste ce qu’il lui faut pour ne pas mourir de faim dans les bonnes années ; où le fermage sans baux prévient toute amélioration et ne pousse qu’à la culture la plus improductive et la plus grossière ; où le tenancier n’oserait pas accumuler de capital, même s’il le pouvait, de crainte que le propriétaire ne le réclame ; où, de fait, il est un esclave abject qui, sur le signe d’un homme comme lui, peut être chassé de sa misérable cabanne de boue, et devenir un être sans foyer, un mendiant mourant de faim, auquel il est défendu d’arracher les fruits naturels de la terre, ou d’attraper un lièvre sauvage pour apaiser sa faim ? Quelque rare que soit la population, quelles que soient les ressources naturelles, le paupérisme et la famine doivent nécessairement exister dans un pays où les producteurs de la richesse sont forcés de travailler dans des conditions qui les privent de toute espérance, de respect de soi-même, d’énergie, de profit ; où les propriétaires absents enlèvent sans retour un quart au moins du produit net du sol ; où les propriétaires résidents se font entretenir, eux, leurs chevaux, leurs chiens, leurs agents, leurs domestiques, leurs baiļlis ; où une église étrangère et officielle, insulte aux préjugés religieux ; et où une armée d’agents de police, et de soldats empêche toute opposition faite à un système inique ? N’est-ce pas une impiété pire que l’athéisme que de charger les lois naturelles de la misère ainsi causée ?

Ce qui est vrai des trois cas que nous venons d’étudier, l’est également de tous les cas, si on les examine bien. Autant que nous le permet l’état actuel de notre connaissance des faits, nous pouvons nier en toute sécurité que l’excès de population par rapport aux moyens de subsistance ait jamais été tel qu’il ait produit le vice et la misère ; que l’accroissement du nombre ait jamais amoindri la production relative de la nourriture. Les famines de l’Inde, de la Chine, de l’Irlande ne peuvent pas être attribuées à l’excès de population, pas plus que les famines du Brésil où les habitants sont très éparpillés. Le vice et la misère