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devaient être occupés et vivre dans un état d’aisance moyenne, suivant la théorie de Mac Culloch. Au lieu de cela l’abjecte pauvreté était telle en Irlande en 1727, qu’avec une ironie brûlante Swift proposait de soulager la population en développant le goût pour les enfants rôtis, en amenant tous les ans à la boucherie, comme nourriture délicate pour les riches, 100,000 enfants Irlandais.

Il est difficile à quelqu’un qui vient, comme moi, de parcourir tout ce qui a été écrit sur la misère irlandaise, de parler en termes convenables de l’attribution du besoin et de la souffrance des Irlandais à l’excès de population, que l’on trouve dans les ouvrages d’hommes aussi distingués que Mill et Buckle. Je ne connais rien de mieux calculé pour vous mettre en ébullition que ces froids comptes rendus de la tyrannie écrasante à laquelle a été soumis le peuple irlandais, et à laquelle il faut attribuer le paupérisme et les famines qui désolent l’Irlande ; et si l’on ne connaissait pas l’histoire du monde, l’énervement que produit partout l’excès de pauvreté, il serait difficile de ne pas ressentir comme un certain mépris pour une race qui, pour tous les torts qu’on lui a faits, n’a que par occasion assassiné quelque propriétaire !

L’excès de population a-t-il jamais été la cause du paupérisme et de la famine, c’est une question qu’on peut poser ; mais on ne peut pas plus attribuer le paupérisme et la famine de l’Irlande à cette cause, qu’on ne peut attribuer la traite des esclaves à l’excessive population de l’Afrique, ou la destruction de Jérusalem à l’infériorité des moyens de subsistance par rapport à la reproduction. Si la nature avait fait de l’Irlande un pays couvert de bananiers et d’arbres à pain, aux côtes bordées des dépôts de guano des Chinchas ; si le soleil des latitudes plus basses avait échauffé et rendu plus fécond son sol humide, les conditions sociales qui ont prévalu dans cette île auraient encore produit la pauvreté et la famine. Comment ces deux fléaux ne tomberaient-ils pas sur un pays où le taux exagéré des fer-