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forcément entre les griffes des usuriers plus rapaces encore, si c’est possible, que les zémindars. Sur le sel, article de première nécessité, surtout quand la nourriture est entièrement végétale, il y a un impôt de près de douze pour cent, ce qui empêche tout emploi industriel du sel, et fait que beaucoup de gens ne peuvent même pas en acheter assez pour conserver en bonne santé eux ou leurs bestiaux. En dessous des employés anglais il y a une horde d’employés nés dans le pays qui oppriment et extorquent. L’effet de la législation anglaise, avec ses règlements rigides, et sa procédure qui paraissait mystérieuse aux indigènes, fut de mettre un instrument puissant de pillage entre les mains des prêteurs d’argent du pays auxquels les paysans étaient forcés d’emprunter à des taux extravagants pour payer leurs impôts, et envers lesquels ils s’engageaient facilement par des bons dont ils ne connaissaient pas la signification. « Nous ne nous soucions pas du peuple de l’Inde » écrit Florence Nightingale, comme avec un sanglot. « Ce qu’on peut voir de plus triste en Orient, et probablement dans le monde entier, c’est le paysan de notre Empire oriental. » Et elle prouve que les causes des terribles famines sont les taxes qui enlèvent aux paysans les moyens de culture, et l’esclavage où sont réduits les ryots ; « conséquences de nos lois » qui font que dans « le plus fertile pays du monde, règne une demi-famine chronique là où ne règne pas une famine absolue[1]. »

« Les famines qui ont dévasté l’Inde » dit H.-M. Hyndman[2]

  1. Miss Nightingale (Le Peuple de l’Inde, dans le Nineteenth Century d’août 1878) donne des exemples qui, dit-elle, représentent des millions de cas, de l’état d’abjection auquel ont été réduits les cultivateurs du sud de l’Inde à cause des facilités accordées par les cours civiles aux fraudes et à l’oppression des usuriers et des employés natifs inférieurs. « Nos cours civiles sont considérées comme des institutions favorisant le riche pour opprimer les pauvres dont beaucoup s’enfuient dans les territoires encore hindous pour échapper à la juridiction anglaise, » dit Sir David Wedderburn dans un article sur les princes soumis au protectorat, article paru dans la même revue en juillet, et dans lequel il donnait un État hindou, où les impôts sont comparativement légers, comme un exemple de population prospère dans l’Inde.
  2. Voyez les articles dans le Nineteenth Century, octobre 1878 et mars 1879.