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alors que tant de ruches de la vie humaine soient aujourd’hui désertes, que des champs jadis cultivés soient aujourd’hui couverts de broussailles, et que les bêtes sauvages lèchent leurs petits là où s’agitaient autrefois des foules humaines affairées ?

Il est de fait que pendant que nous comptons des millions d’hommes comme accroissement de population, nous perdons ceci soit un fait que dans ce que nous connaissons de l’histoire du monde, la décroissance de population est aussi commune que l’augmentation. Quant à savoir si aujourd’hui la population entière du globe est plus considérable qu’à une période antérieure quelconque, nous ne pouvons là-dessus faire que des conjectures. Depuis que Montesquieu, au commencement du siècle dernier, affirmait (et cela devait être alors l’impression dominante) que la population de la terre a beaucoup diminué depuis l’ère chrétienne, l’opinion a complètement changé. Mais des recherches et explorations nouvelles ont donné du crédit à ce qu’on avait d’abord considéré comme des récits exagérés des historiens et voyageurs anciens, elles ont révélé des indices de populations plus denses et de civilisations plus avancées qu’on ne le soupçonnait, et d’une antiquité plus haute de la race humaine. Et en fondant notre estimation de la population sur le développement du commerce, sur le développement des arts, sur la grandeur des villes, nous serons plutôt conduits à estimer trop bas la densité de la population que la culture intensive, caractéristique des civilisations primitives, pouvait soutenir, particulièrement là où l’on avait recours aux irrigations. Comme nous pouvons le voir dans les districts très cultivés de la Chine et de l’Europe, une population très considérable, ayant des habitudes simples, peut exister alors même que le commerce est peu développé, que les arts dans lesquels le progrès moderne a été le plus marqué sont encore en enfance, et que la tendance que montrent les populations modernes à se concentrer dans la ville, n’existe pas[1].

  1. Comme le prouve la carte des Races natives de H. H. Bancroft, l’État de Vera-