Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

tion est parfois, lorsqu’elle n’est pas réfrenée, trop développée par rapport aux moyens de subsistance. Mais il n’est pas légitime d’inférer de ceci que cette tendance aurait la même force si la population était suffisamment dense, et la richesse distribuée avec une égalité suffisante, pour élever une communauté entière au-dessus de la nécessité de consacrer toutes ses forces à lutter seulement pour vivre. On ne peut pas non plus supposer que cette tendance, en causant la pauvreté, doive empêcher l’existence d’une semblable communauté ; car ce serait supposer le point en question et tourner dans un cercle. Et même en admettant que cette tendance doive en fin de compte produire la pauvreté, on ne peut pas dire que la pauvreté existante est entièrement due à cette cause, à moins qu’on ne prouve qu’il n’y, a pas d’autre cause à laquelle on puisse attribuer la pauvreté, chose absolument impossible dans l’état actuel du gouvernement, des lois et des coutumes.

C’est ce que montre l’Essai sur la population lui-même. Ce livre fameux, dont on parle plus souvent qu’on ne le lit, mérite cependant bien une lecture, ne serait-ce que par curiosité littéraire. Le contraste entre les mérites du livre lui-même et l’effet qu’il a produit ou qu’on lui attribue (car bien que Sir James Stewart, M. Townsend, et d’autres, partagent avec Malthus la gloire d’avoir découvert le « principe de population, » c’est l’Essai sur la Population qui l’a mis en avant), est, à ce qu’il me semble, une des choses les plus remarquables dans l’histoire de la littérature ; et il est aisé de comprendre pourquoi Godwin, dont la Justice Politique avait provoqué l’Essai sur la Population, a, jusque dans sa vieillesse, dédaigné de répondre. Malthus commence par supposer que la population tend à augmenter suivant une progression géométrique, tandis que la subsistance, en mettant les choses au mieux, n’augmente que suivant une progression arithmétique, supposition aussi valable, et pas plus, que celle qu’on tirerait de ce fait : un petit chien double la longueur de sa queue pendant qu’il ajoute autant de livres à son