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malpropre qui s’envenime dans un coin près de la. Car d’après cette théorie il ne faut attribuer la pauvreté, le besoin, la faim, ni à l’avidité individuelle, ni aux mauvais arrangements sociaux ; ces malheurs sont les résultats inévitables de lois universelles, avec lesquelles il est aussi impossible, ou du moins aussi inutile de vouloir lutter qu’avec la loi de la gravitation. De cette façon, celui qui, au milieu du besoin, a amassé des richesses, n’a fait que se garantir, dans une petite oasis, du sable qui sans cela l’aurait englouti. Il a gagné pour lui l’aisance, mais n’a fait de mal à personne. Et même si le riche obéissait littéralement aux injonctions du Christ et partageait ses biens avec les pauvres, il n’y aurait rien de gagné. La population augmenterait pour se trouver de nouveau pressée dans les limites de la subsistance ou du capital, et l’égalité produite ne serait que l’égalité d’une misère commune. C’est ainsi que toute réforme heurtant les intérêts d’une classe puissante a été repoussée comme inutile. Comme la loi morale défend de s’emparer des méthodes par lesquelles la loi naturelle se débarrasse du surplus de population, et réprime une tendance d’accroissement assez puissante pour presser sur la surface du globe des êtres humains, comme des sardines sont pressées dans une boîte, il n’y a réellement rien à faire, soit par un effort individuel ou par des efforts collectifs, pour extirper la pauvreté, rien qu’à avoir confiance en l’efficacité de l’éducation, et à prêcher la nécessité de la prudence. Une théorie qui rentrait dans les habitudes de pensée des classes pauvres, qui justifiait l’avidité du riche et l’égoïsme du puissant, devait se répandre rapidement, et prendre racine profondément. Tel a été le cas de la théorie de Malthus.

Depuis quelques années le changement rapide qui s’est opéré dans les idées sur l’origine de l’homme et la genèse des espèces a apporté un nouveau renfort à la doctrine de Malthus. On peut facilement montrer que Buckle avait raison quand il disait que la promulgation de la théorie de Malthus marque une époque dans l’histoire de la pensée spéculative ; mais retracer son in-