Page:Henry George - Progrès et Pauvreté.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

soit par un frein moral imposé à la faculté reproductive, ou par les causes diverses qui augmentent la mortalité, causes qu’il résume en celles-ci, le vice et la misère. Il appelle les causes qui préviennent la propagation, un frein préventif ; il appelle les causes qui accroissent la mortalité, un frein positif. Voilà la fameuse théorie, telle que Malthus l’a lui-même promulguée dans son Essai sur la population.

Il est tout à fait inutile d’appuyer sur l’erreur que renferme la supposition de rapports géométriques et arithmétiques d’accroissement ; c’est un jeu sur les proportions qui atteint à peine la hauteur du jeu familier du lièvre et de la tortue, dans lequel un lièvre donne la chasse à une tortue pendant toute l’éternité sans jamais l’attraper. Cette supposition n’est nullement nécessaire à la doctrine de Malthus et a été complètement répudiée par quelques — uns de ceux qui ont pleinement accepté la doctrine, par exemple, par John Stuart Mill, qui en parle comme d’ « une malheureuse tentative de donner de la précision à des choses qui ne l’admettent pas, et que toute personne capable de raisonner, doit regarder comme superflue dans l’argumentation[1]. » La population tend à augmenter plus vite que les moyens de subsistance, voilà dans son essence la doctrine de Malthus ; et qu’on exprime cette différence par un rapport géométrique pour la population et un rapport arithmétique pour la subsistance, comme le fait Malthus ; ou par un rapport constant pour la population et un rapport décroissant pour la subsistance, comme le fait Mill, ce n’est qu’une manière de changer l’exposition des choses sans changer les choses elles-mêmes. Le point important sur lequel tous deux sont d’accord, c’est, pour employer les mots mêmes de Malthus, « c’est qu’il y a une

  1. Principes d’économie politique, livre II, chap. ix, sect, 6. Quoiqu’en dise Mill, il est clair que Malthus lui-même attachait une grande importance à ses rapports géométriques et arithmétiques, et c’est probablement à eux aussi que Malthus doit une grande partie de sa renommée, , parce qu’ils forment une de ces formules ronflantes qui, auprès de beaucoup de gens, ont plus de poids que les raisonnements les plus clairs.