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maintenue parmi la masse des hommes qui prennent rarement la peine de distinguer la réalité de l’apparence. Ce qui est surprenant, c’est qu’une théorie que l’examen montre n’être pas fondée, ait été successivement acceptée par les penseurs distingués qui pendant le siècle actuel ont consacré leur intelligence à l’élucidation et au développement de la science de l’économie politique.

La seule explication possible de ce fait est dans l’acceptation générale de la théorie de Malthus. On n’a jamais mis à l’épreuve la théorie courante des salaires parce qu’elle paraissait aux économistes une vérité évidente par elle — même, appuyée qu’elle était sur la théorie de Malthus. Ces deux théories se mêlaient, se renforçaient et se défendaient l’une l’autre, et toutes deux trouvaient un appui additionnel dans un principe mis en avant dans les discussions de la théorie de la rente, et qui était celui-ci : passé un certain point, l’application du capital et du travail à la terre produit un revenu décroissant. Toutes deux donnaient, des phénomènes que présente une société organisée et progressant, une explication qui semblait convenir à tous les faits, et par là prévenait toute étude sérieuse.

Laquelle de ces deux théories est la plus ancienne, c’est ce qu’il est assez difficile de dire. La théorie de la population n’a été formulée de façon à avoir l’autorité d’un dogme scientifique que lorsque cela était déjà fait pour la théorie des salaires. Mais elles sont naturellement nées ensemble et elles se sont développées de même, elles ont existé sous une forme plus ou moins grossière longtemps avant qu’on ait essayé d’édifier un système d’économie politique. Il est évident, d’après plusieurs passages, que la théorie de Malthus, bien qu’il ne l’ait jamais développée, existait à l’état rudimentaire dans l’esprit d’Adam Smith ; et, à mon avis, c’est à cela qu’il faut attribuer, en grande partie, la fausse direction que prirent ses spéculations au sujet des salaires. Mais que cela soit, ou non, les deux théories sont si intimement liées l’une avec l’autre, elles se complètent si bien l’une