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L’exemple étant plus convaincant que la parole, j’ai fait un usage habituel de la viande de cheval depuis plus d’un an. Le bœuf, le mouton et la volaille n’ont paru chez moi que tout à fait exceptionnellement. On comprend bien que je ne faisais pas une cuisine particulière pour les personnes qui venaient me voir. J’ai donc fait manger du cheval à presque tous les parents, amis et connaissances, qui m’ont fait le plaisir de s’asseoir à ma table. Comme il n’est pas d’usage de signaler aux convives l’origine de ce qu’on leur sert, et que d’autre part, les personnes bien élevées ne s’enquièrent pas de l’espèce animale qui fournit le menu du repas, peut-être quelques-uns de mes hôtes ignoraient-ils qu’ils se nourrissaient de cheval. En tous cas, forcés d’avouer qu’ils n’ont rien soupçonné, ils auraient fort mauvaise grâce à venir se plaindre aujourd’hui : quand on est traité comme le maître du logis, et avec lui, on n’a rien à dire.

Une cinquantaine de personnes ont été reçues chez moi en 1863, dans les conditions que je viens de révéler pour la première fois. Les unes n’ont fait qu’un seul repas, d’autres y ont vécu six, huit jours et plus. Eh bien, j’ai la douce confiance que pas une ne sera blessée de l’honneur volontaire ou involontaire fait par elle à la viande de cheval. Je pourrais en appeler au témoignage de quelques-uns des membres de la Société.

De ces faits, il ressort, ce me semble, que le bœuf, dont le prix devient hors de proportion avec les ressources de la classe ouvrière, peut être remplacé parfaitement, et sans le moindre inconvénient par le cheval. Je ferai observer, en effet, que bien que ma table ne soit pas somptueuse, il n’y aurait certainement plus lieu de s’apitoyer sur le sort des pauvres, s’ils en avaient tous une pareille.

Il est vrai que, chez moi, j’ai pu faire manger du cheval, mais ailleurs trouverait-on quelqu’un qui voulût en préparer et surtout en faire manger aux autres ? Appuyé sur de nombreux faits, je réponds affirmativement. Des officiers, des sous-officiers et des soldats se font un plaisir d’en faire paraître sur leurs tables. Dans toutes les classes de la société, j’ai trouvé des familles curieuses de juger, par elles-mêmes, de sa valeur alimentaire, et toutes ont reconnu que le cheval peut figurer avantageusement à côté du bœuf ; ce que les banquets d’Alfort, de Toulouse, d’Alger, etc., avaient démontré depuis