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ABER-AKÉTAOU
Aber, s. f., embouchure, confluent, baie close, havre (mais sans aucun rapport étymologique avec fr. havre[1], qui a pu toutefois influer sur le sens), corn. aber « confluent », cymr. aper > aber, gael. abbor > abar à l’initiale d’un grand nombre de noms de lieux : d’un celt. *ad-ber- ou *od-ber- suivi d’un suffixe nominal formatif, exactement « ap-port » ou « ex-port », rac. BHER « porter » précédée d’un préfixe. Cf. abardaez, kémérout, etc.


Abevlec’h, s. m., abreuvoir. Empr. fr., mais bien curieusement retravaillé par l’étymologie populaire, qui y a vu les mots éva « boire » et lec’h « lieu »[2]. V. ces mots (sous 1 léac’h).


Aboez-penn, loc. adv., à tue-tête : juxtaposée de a-, poez[3] et penn. V. ces mots.


Abostol, s. m. (pl. ébestel), apôtre, Épître dite à la messe (parce que l’auteur fut un apôtre). Empr. lat. apostolus et epistola confondus.


Abostoler, s. m., sous-diacre (qui lit l’Épître de la messe).


Abrant, s. f., sourcil, corn. abrans, vir. abrait pl., ir. et gael. abhra, fabhra, « paupière, sourcil ». Étymologie peu claire : peut-être un préfixe de la valeur de a-, devant un mot celtique correspondant au lat. frōns (front-is), comme qui dirait « [ce qui est] au devant » ou « au dessous du front » ; mais il faut peut-être tenir compte aussi de l’existence des mots synonymes et quasi similaires, sk. bhru « sourcil », gr. ὀ-φρύ-ς (o-phru-s) et macédonien ἀ-ϐροῦτ-ες (a-brout-es) pl. (toutefois M. Kretschmer, Einleitg in die Gesch. der Gr. Spr., p. 287, propose la correction très plausible ἀ-ϐροῦϝ-ες (a-brouw-es)); cf. ag. brow et al. braue, encore d’une autre origine.


Abréd, adv., de bonne heure, à temps. V. sous a- et 1 préd.


Aked, aket, s. m., attention, diligence. Empr. fr. aguet « attention » (être aux aguets), plus ou moins confondu avec acquest au sens de « recherche minutieuse » (quérir, quêter). V. le suivant.


Akétaou, adv., tantôt, ce matin : altération par confusion de sens avec le
  1. En effet, 1o le genre n’est pas le même, mais cette preuve n’est pas décisive, car le breton a opéré beaucoup de changements de genre ; 2o le mot existe identique, non seulement dans tout le brittonique, mais encore dans les noms de lieux du gaélique, qui sûrement n’a pu l’emprunter au français ; 3o dans toutes ces langues, excepté en cymrique, il ne signifie jamais que « confluent, embouchure », et non point « havre ».
  2. La métathèse tient ses débuts du français (patoisé) lui-même : le Bas-Maine a une forme abervwé Dn.
  3. D’une locution telle que skei a boez hè zierec’h « frapper à tour de bras », exactement « de [tout] le poids de ses bras », où l’emploi du mot poez s’entend de lui-même, ce mot a été abstrait et transporté à d’autres façons de parler où il n’avait primitivement que faire.