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XIX
INTRODUCTION

lement par q, à laquelle le sanscrit et le letto-slave répondent par k, le grec par π ou τ suivant le voisinage, le latin toujours par qu, le gotique par hw, etc. : en irlandais, ce mot contiendra un k (écrit c), et en breton un p, dont la genèse est naturellement postérieure à la chute totale et générale du p primitif[1] : ainsi, le nom de nombre qui est en latin quinque est en irlandais cóic, et pemp en breton. Si donc nous trouvons en gaélique et en brittonique deux mots synonymes contenant dans l’une et l’autre langue un k, nous parierons à coup sûr que le brittonique a emprunté le mot au gaélique ; et la réciproque sera vraie de deux synonymes qui contiendront un p dans les deux langues.

Ceci n’est qu’un exemple, mais frappant dans sa simplicité et sa rigueur, des mille ressources dont dispose la science pour reconstituer la préhistoire du langage.

Le celtique continental (gaulois) partage naturellement la première de ces particularités avec tout le groupe celtique. Il partage la seconde avec le rameau brittonique : « cinq » s’y disait pempe. Ce n’est pas leur seul trait commun : l’s initial primitif, qui persiste en gaélique, devient h en brittonique ; or il reste s en gaulois[2] ; mais, à l’époque gauloise, il était encore s en brittonique. On ne saurait cependant rattacher le gaulois à l’une plutôt qu’à l’autre division. Il forme une catégorie à lui seul, ainsi qu’on doit l’attendre, au surplus, de sa situation géographique.


IV. Cela posé, on esquissera à grands traits l’histoire de chacune des unités qui composent le groupe celtique.

1. Le celtique continental fut la langue de la Gaule jusque vers le iie siècle de notre ère ; mais la conquête romaine lui porta un coup mortel, il disparut avec une rapidité qui ne laisse pas de surprendre l’historien contraint de la constater. De quelque façon qu’on s’en

  1. Il se peut donc fort bien qu’un mot cymrique ou breton contenant un p soit d’origine celtique ; mais c’est à condition que la forme indo-européenne dont il descend contienne, non un p, mais un q. Au contraire, aucun mot iro-gaélique contenant un p ne saurait être celtique.
  2. Voir notamment, au lexique, les mots hé-, hégar, hen, heṅt, etc.