Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nètrent dans la chair : telles sont, avec bien d’autres, les austérités auxquelles se soumet le yôgî dont le nom est devenu l’expression de l’ascétisme farouche, de l’extase surhumaine et des pouvoirs miraculeux qu’on y croit attachés.

Jusqu’ici l’évolution du Sâñkhya en Yoga s’est déroulée en pleine logique. Mais voici où ils perdent brusquement contact : l’un est athée ; l’autre se donne pour théiste. Comment s’y est-il pris pour introduire un Dieu dans ce mécanisme serré et rigide ? On ne sait ; le plus probable est qu’il l’a emprunté tout fait aux cultes populaires qui l’entouraient. On verra plus loin (p. 113) que les ascètes sont essentiellement sectateurs de Çiva, le dieu extatique et sinistre qui ne fait qu’un corps avec celui de son épouse : ce personnage a pu aisément se confondre avec le couple du Puruṣa mâle et de la Prakṛti femelle, et de cette fusion d’une froide philosophie avec une religion ardente est sortie une théosophie étrange et mal connue.

Quoiqu’il en soit, le double vocable Sâñkhya a, très usité dans l’Inde, atteste à lui seul le lien étroit qu’elle a toujours admis entre les deux doctrines et l’influence qu’elles ont exercée sur sa pensée : les Lois de Manu en ont tout imprégnées, et ce sont elles qu’enseigne leur livre XII (p. 56) ; les rapports, depuis longtemps reconnus, entre le bouddhisme et le Yôga, ont été récemment mis en vive lumière par M. Senart ; et, quand un penseur