Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veulent, en s’exerçant sur un texte facile, s’initier aux conditions politiques et sociales de l’Inde ancienne et moyenne ; connaissance indispensable, il va sans dire, à la pleine intelligence de ses écrits sacrés ou profanes.

L’époque des Çâstras, en effet, s’espace vraisemblablement sur une période de dix siècles environ, soit du Ve avant au Ve après J.C. C’est le moment où les vieilles institutions de l’Inde sont parvenues à leur complet développement. Le régime des castes, déjà ébauché au temps du Véda, consolidé par le brâhmanisme, a désormais atteint toute sa rigidité : le brâhmane se consacre exclusivement à la science sainte, aux pratiques magiques et médicales, au service divin ; le prince (kçatriya) couvre ses sujets de la protection de ses armées, et, entre temps, vit dans les délices de sa cour brillante et voluptueuse, splendidement défrayées par les tributs qu’ils lui doivent ; le paysan (vaiçya) ne doit que son travail et une part de ses produits, même en cas d’invasion du territoire ; c’est avec une admiration mêlée de stupeur que les Grecs d’Alexandre le virent continuer à labourer paisiblement son champ, respecté dans le choc de toutes les forces belligérantes. Tous trois, prêtre, guerrier et manant, descendants au moins présumés des anciens conquérants âryens, sont dits « deux fois nés » (dvija), parce qu’ils reçoivent, à des âges variables de leur enfance, un sacrement d’initiation suivi d’une pé-