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je suis. » Ils lui demandèrent son amitié : elle la leur accorda, ou non, on ne sait ; toujours est il qu’elle aborda Manu. « Qui es-tu ? » lui dit-il. — « Ta fille. — Comment, ma chère, serais-tu ma fille ? — Cette libation d’antan que tu as versée dans l’eau, petit-lait, beurre, crème aigre et fromage mou, c’est d’elle que tu m’as engendrée. Je suis bénédiction : donne-moi donc place rituelle dans le sacrifice. Si tu me donnes place rituelle dans le sacrifice, tu te multiplieras en postérité et bétail, et, quelque bénédiction que tu profères en m’y adjoignant, elle se réalisera toute. » Il lui assigna donc sa place au milieu du sacrifice ; car c’est là le milieu du sacrifice, ce qui se trouve entre les oblations préalables et les oblations consécutives. Avec elle il vécut en prière et pénitence, désireux de postérité, et par elle il engendra toute cette descendance qu’on appelle « les enfants de Manu » (les bommes), et toute bénédiction qu’il proféra en l’y adjoignant, elle se réalisa. (Çatapatha-Br., I. 8, 1.)

J’ai donné ce texte in extenso, quoique étrange et un peu long, parce qu’il est un type parfait du récit brâhmanique : d’abord, les absurdités y fourmillent, sans jamais troubler la sérénité du rédacteur ; puis, celui-ci ne conte pas pour conter, pour nous apprendre, par exemple, l’histoire du déluge, ou nous expliquer comment la terre se repeupla à la suite de cette catastrophe, mais pour dégager congrûment le sens intime de l’oblation rituelle dite ilâ et de la place qu’elle occupe dans le sacrifice. Ainsi toujours : c’est au même motif tendancieux que nous devons la conservation, dans