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nécessairement mêlé à tous les incidents de la vie quotidienne, nous y introduit à sa suite, et nous entrevoyons même l’artisan à la besogne, le joueur au tripot, le séducteur au rendez-vous. Mais, autant les hymnes courts rasent la terre, autant planent dans les nuages les pièces de longue haleine : ce n’est pas en vain que l’Atharva Véda porte le sous-titre de Brahma Véda : nombre de morceaux y affectent déjà les allures de la théosophie la plus abstruse, et, sous des noms divers, empruntés pour la plupart à la vieille mythologie naturaliste[1], s’y ébauche la jeune doctrine de l’Unité absolue qui plus tard prendra corps sous celui de Brahma.

  1. Exemple : les deux hymnes au Skambha (X, 7-8, chacun de 44 stances). Le mot skambha signifie tout bonnement « étai », et, dans la conception primitive, il n’est pas douteux que ce ne soit le pilier qui empêche le ciel de tomber sur la terre et soutient l’ascension du soleil. Et la preuve, s’il en fallait une, c’est que ces deux morceaux sont des mines de formulettes solaires (cf. p. 8), parmi lesquelles le gracieux tableau des deux tisseuses « qui dansent en rond, en sorte qu’on ne sait laquelle précède, laquelle suit » (le jour et la nuit, cf. p. 29). Mais ce pilier inébranlable et pourtant invisible exalte jusqu’au paroxysme le sens du mystère, si aigu chez l’Hindou, et Skambha devient une entité panthéistique en qui se fond tout l’univers.