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en est suspecte : Vasişţha, par exemple, a été engendré miraculeusement par Mitra et Varuna ! Vasişţha a-t-il jamais existé ? ou bien une école de mages qui s’intitulaient les Vasişţhas (« les meilleurs »)[1] s’est elle donné de sa grâce cet ancêtre quasi-divin ?

Par tous ces caractères, on le voit, le Rig Véda appartient à la préhistoire. Il y ressortit aussi et surtout par l’absence absolue de documents historiques qui en éclairent les entours, par la rareté et l’insignifiance des noms et des faits historiques qui émergent de son océan de poésie. Certes les luttes épiques dont il fut contemporain, le va-et-vient et les chocs de la lente immigration des Âryas passant de la vallée de l’Indus à la vallée du Gange, ce Drang nach Osten des Germains d’Asie, n’ont pu manquer d’y imprimer quelques traces ; mais les allusions sont si brèves, les réminiscences si vagues, les traces si brouillées, enfin, qu’on n’y aurait plus discerner aucune circonstance de temps ni de lieu. Et puis le lierre mythologique a plus d’à moitié enveloppé le vieux tronc qui le soutient. Voici ce que devient, dans la bouche de Viçvâmitra, le récit d’un exploit assez considérable pour s’imposer fortement au souvenir, le passage des deux rivières

  1. Ils justifieraient assez cette prétention par la remarquable élévation de quelques-uns des morceaux qui leur sont attribués : cf. plus bas, p. 32.