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brahmanique ? Il n’en est point question encore. Visnu apparaît bien çà et là, de préférence en compagnie d’Indra ; mais le Véda ne connaît guère de lui qu’un seul trait, esquissé en brève allusion : en trois pas il a franchi tout l’univers ; lever, zénith et coucher, ce sont les trois enjambées d’un dieu solaire, que la légende postérieure ornera d’un décor narratif. Le mot çiva n’est qu’un adjectif signifiant « le propice » : l’effrayant dieu Rudra se survivra sous le couvert de cette antiphrase. Quant à brahman, c’est un nom commun, qui, neutre, se traduit par « formule magique, prière, office divin, œuvre pie »), et, masculin, désigne une certaine classe de prêtres. Le temps n’est pas venu du monisme mystique qui le divinisera[1]. On a pu nombrer les étoiles du ciel ; on ne fera jamais le recensement exact du panthéon hindou : sous l’œil qui le contemple, les astres de première grandeur fondent et s’effacent, et telle nébuleuse invisible se condense en un foyer éblouissant.

  1. Mais le momisme ou même le nihilisme de l’âge philosophique a déjà trouvé son expression dans un seul hymne du Rig Véda (X, 129), étonnant et obscur ; dont je veux du moins citer le début et la fin : « Ni l’être alors n’était, ni le néant ; ni l’espace n’était, ni le ciel par delà. Qu’est ce qui vibra ? où ? sous quels auspices ? » (Ne songe-t-on pas au premier moteur de Descartes ?) « ... D’où est sortie cette création, si elle est créée ou incréée, celui-là le sait, le témoin qui l’observe au ciel des cieux, ou peut-être il ne le sait pas. »