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démentir l’idée que nous nous faisons d’un culte véritable, grave jusque dans ses grâces et harmonieux jusque dans sa ferveur. Mais c’est aux confus abords et au demi-jour subtil d’une pagode orientale qu’il nous faut accoutumer notre regard. Entrons, mille spectacles nous y attendent : un dieu sanglant qui secoue des chapelets de crânes ; non loin, une figure couchée, au sourire énigmatique ou béat ; puis un monstre bienveillant qui cligne de petits yeux malicieux au dessus d’une trompe d’éléphant ; de l’or, des fleurs, des parfums et de la bouse de vache ; un extatique effrayant de maigreur, immobile sur son piédestal, hérissé, les membres tors, les yeux blancs ; une danse lascive de bayadères ; un escalier de crypte déroulant la spirale infinie de ses bas-reliefs de rêve, que les fumées de l’encens font palpiter d’une vie obscure, et au bas, peut-être, un vieux prêtre qui nous dira, s’il nous juge dignes de ses leçons, que tout cela est mensonge, que l’Unité absolue se joue en des formes changeantes, et qu’il n’y a point de Dieu, mais qu’il faut adorer Dieu. Ne nous y trompons pas, cependant : c’est bien un temple que nous abordons, mais un temple qui enferme toute la cité. La religion ne se borne pas à nous accueillir au seuil de la littérature hindoue : parfois invisible et partout présente, jamais importune néanmoins, — car elle n’a point de dogmes, et il suffit, pour s’en faire bien venir, de la saluer au passage, —