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La nuit, un lit douillet : au réveil, la chopine ;
À midi, fort repas ; le soir, boire d’autant ;
S’endormir en suçant une grosse praline ;
Et vers la délivrance ainsi l’on s’achemine ;
En doutez vous ? Sakya vous en est bon garant.

N’en croyons rien. Il n’est pas un couvent au monde dont on n’ait conté pareilles bourdes. Mais il en reste toujours ceci, que les austérités excessives vont expressément contre la volonté du fondateur, qui exige avant tout une intelligence saine dans un corps bien portant.

Parce que le tout est de comprendre et que qui a clairement compris a par là même atteint l’affranchissement suprême. Quiconque sait est sauvé. Entraîné comme un fétu dans le saṃsâra, le torrent des existences successives, l’individu naît, meurt et renaît sans trêve sous différents corps, ou du moins il en a l’illusion. Mais, du jour où il suit, du jour où il affirme « cela n’est pas moi » (cf. p. 70), tout est fini, le charme est rompu :

« Celui qui voit ainsi, ô disciples, le noble sage qui entend la parole, se détache de la corporéité, se détache de la sensation et de la perception, se détache de la forme extérieure et de la récognition : en s’en détachant, il devient libre de désirs ; par la cessation du désir il parvient à la délivrance ; délivré, il a conscience de l’être ; anéantie est la renaissance, achevée l’œuvre pie, accompli le devoir, et il n’y a point de retour à ce monde : ainsi soit-il. » (Vinaya-Piṭaka, Mahâvagga, I, 6, 46.)