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ne craignit pas d’engager l’empereur à reconnaître les droits de la nation. Le lendemain, le rapport fut saisi, et les députés trouvèrent le lieu de leurs séances occupé par les troupes. Laîné se retira alors dans le midi, qu’il souleva contre Napoléon, et ce fut là un crime, car la patrie était envahie ! Il entra ensuite à Bordeaux, et y exerça le pouvoir souverain au nom de Louis XVIII. Il présida la première assemblée de la restauration, et fut un des auteurs de la Charte de 1814. Devenu ministre de l’intérieur, il proposa l’exclusion de Grégoire, comme indigne. Après l’attentat de Louvel, il vota contre la liberté individuelle, qu’il avait toujours défendue : les défaillances de l’esprit étaient venues avec l’âge !

On ne peut rien imaginer de plus pittoresque et de plus gracieux en même temps que la disposition des objets qui se déroulent à la vue à mesure qu’on s’éloigne du tombeau de Laîné : ce ne sont point les sépultures grandioses qui produisent cet effet ; car, excepté quelques monuments qui de loin ressemblent à des temples antiques planant sur des ruines, c’est à peine si on découvre çà et là une tombe de quelque importance parmi cette foule de concessions temporaires qui émaillent la colline que nous gravissons. Les cyprès y sont toujours jeunes, et doivent disparaître en même temps que les locataires de l’emplacement qu’ils occupent ; car tous les cinq ans on fait table rase dans cette hôtellerie de la mort, et les débris de ceux qui ne peuvent renouveler leur bail sont dispersés par la pioche du fossoyeur et mêlés à la terre qui doit recouvrir de nouveaux tenanciers. La multitude se trouve serrée ici comme elle l’était dans la vie ; mais ce pêle-mêle de croix de bois et de simples pierres n’a rien de disgracieux : ces tombes, qui n’ont