Page:Henry - Histoire de l'abbaye de Pontigny.pdf/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
histoire.

Dieu, et réparé leurs injustices eu bâtissant une église ou en dotant un monastère. Le bonheur des peuples, l’amour de la justice, l’éloignement des vices grossiers, étaient presque comptés pour rien. Par une bizarrerie inconcevable, un père dotait une église, son fils la dépouillait ou bien, après avoir causé des peines inouïes à un monastère, le coupable, amené par la foi, tombait aux pieds de l’abbé pour lui demander pardon. Nos historiens ont fait la même remarque à l’égard des croisés, qui alliaient une foi vive à une vie dissolue. Tel était le peuple que l’abbaye de Pontigny avait à régénérer par la force de l’exemple, l’instruction et l’efficacité de ses prières. Ses efforts ne tardèrent pas à être couronnés du succès. Peu à peu la foi éclaira les esprits, polit les mœurs, établit la justice et enfanta des chefs d’œuvre de civilisation dans les siècles suivans. Il fallait qu’alors les abbés fussent de saints et de grands hommes pour dominer de leur autorité morale les désordres des siècles grossiers, et enchaîner par le respect de la religion, par leur science et par leurs vertus, les seigneurs, les peuples, les évêques, et jusqu’aux souverains pontifes eux-mêmes.

On croirait que les moines étaient agités sans cesse par ces provocations du dehors ; il paraît qu’il en était tout autrement : persuadés que le lieu du repos n’est pas sur la terre, que le royaume des cieux appartient à ceux qui souffrent, ils demeuraient en paix. De même que dans la primitive Église, les persécutions ne faisaient qu’accroître la foi des fidèles, les vexations qu’on faisait éprouver aux moines leur fournissaient de nouveaux motifs