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dent. Tandis qu’il s’efforçait de faire revivre les vertus monastiques, il éprouvait une résistance qu’il ne devait point surmonter : c’étaient les symptômes de cette décadence morale que l’on remarquait en France, et qui n’avaient que trop pénétrés dans son abbaye, sous le gouvernement de l’abbé Chanlatte. Ce n’était plus l’illustre abbaye de Pontigny qui allait périr, c’était son ombre. Malgré les signes précurseurs de la tempête, les hommes et les institutions vivaient au jour le jour la royauté, les parlemens, les abbayes, la noblesse, le clergé semblaient se hâter de jouir de leurs derniers momens. Un esprit d’agitation, de relâchement, se manifestait de toutes parts. Enfin, la révolution de 1789 arrive ; le 13 février 1790, l’assemblée constituante rend son fatal décret qui détruit de fond en comble tous les établissemens religieux. Depaguy voulut encore temporiser ; mais lorsqu’il vit que des édits de proscription planaient sur sa tête, il partagea entre les religieux le peu d’argent qui se trouvait dans l’abbaye, s’en croyant propriétaire plus légitime que la nation qui le confisquait à son profit, et les renvoya dans leurs familles.

Ce fut alors un spectacle lamentable. Les pauvres religieux s’exilèrent tristement de leur antique asile ; les vieillards, l’âme pleine de regrets, et ne comprenant point qu’on ne leur permît pas d’y mourir ; les jeunes religieux, inquiets de l’avenir, et redoutant l’incertitude d’une vie nouvelle au milieu des persécutions. Leur nombre ne s’élevait plus qu’à vingt-cinq, en y comprenant deux frères convers. Quelques-uns, fidèles à leur vocation, montrèrent au monde