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LE PAYSAGISTE AUX CHAMPS.

distrait, sa préoccupation exclusive le poursuit partout et toujours. S’il mange, c’est machinalement ; s’il dévore, c’est sans le savoir. A chaque mets que lui apporte l’aubergiste attentive : « C’est trop ! c’est trop !… » répète-t-il invariablement tout en démentant aussitôt cette déclaration inconsidérée.

X… a la fourchette inconsciente.

Mais qu’on ne croie pas que le peintre confonde toujours les truffes avec les pommes de terre. Sans doute, les grands souffles des bois et les vents âpres de la plaine le livrent sans défense aux robustes séductions de la grillade et de l’omelette au lard ; mais si l’estomac du paysagiste est sans préventions ni préjugés, il n’apprécie pas moins, à l’occasion, les délicates recherches d’une cuisine plus savante, et sait, l’hiver, dîner tout comme le premier homme de lettres venu, chez Mécène ou chez Lucullus !

Hâtons-nous de le déclarer pourtant : l’appétit du paysagiste n’a d’égal que sa frugalité. Il est vrai de dire que sa frugalité a cela de commun avec bien des choses désagréables de notre époque qu’elle est obligatoire…

Cela me reporte aux souvenirs d’Igny, au