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l’instrument qu’ils ont créé. Vous savez trop bien qu’ils n’ont pu soumettre à la règle de fer du calcul ce qui est, par essence, si incertain et si fugitif, qu’à force d’accumuler les hypothèses tacites. Ces hypothèses, souvent arbitraires, vous les avez dénoncées impitoyablement, portant vous-même de rudes coups à la science que vous aimez.

Vous ne nous avez jamais été infidèle, malgré l’attrait qu’exerçaient sur vous d’autres études ; et dans les moments mêmes où vous paraissiez vous y absorber tout entier, un livre nouveau venait de temps en temps nous montrer que vous ne nous aviez pas oubliés. C’est ainsi que vous avez parcouru d’une frontière à l’autre, de l’algèbre à la physique, ce vaste domaine des mathématiques qui nous semble tout un monde, à nous autres géomètres, et qui n’est pourtant qu’une des provinces visitées par votre universelle curiosité.

Vivant dans la familiarité des maîtres d’autrefois, de ces Descartes, de ces d’Alembert, de ces Laplace dont vous parlez naturellement la langue, vous avez hérité de leur