Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toucher proprement dit, voici ce que nous apercevons ; l’expérience nous montre que si l’on touche la peau avec deux pointes, la conscience distingue ces deux pointes si elles sont suffisamment éloignées l’une de l’autre et cesse de les distinguer si elles sont très rapprochées ; la distance minimum qui permet de les discerner varie d’ailleurs suivant les régions du corps ; on dit d’ordinaire que la peau est divisée en départements, dont chacun est le domaine d’un même nerf sensitif ; que si les deux pointes tombent dans un même département, un seul nerf est ébranlé et nous ne percevons qu’une pointe ; mais que nous en percevons deux au contraire si elles tombent dans deux départements et affectent, par conséquent, deux nerfs. Cela n’est pas entièrement satisfaisant ; nous ne retrouverions pas ainsi les caractères du continu physique ; supposons que l’on déplace les deux pointes, leur distance, d’ailleurs très petite, étant maintenue constante. Cette distance étant très petite, nous aurons des chances pour qu’elles tombent dans le même département et pour n’avoir qu’une perception unique ; mais si nous les déplaçons petit à petit sans changer leur distance, il devra arriver un moment où l’une d’elles se trouvera hors du département et où l’autre n’en sera pas encore sortie. À ce moment on devrait sentir deux