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fondamentales que j’ai cherché à mettre en évidence dans mes écrits antérieurs.

J’écarterai d’abord l’idée d’un prétendu sens de l’espace qui nous ferait localiser nos sensations dans un espace tout fait, dont la notion préexisterait à toute expérience, et qui avant toute expérience aurait toutes les propriétés de l’espace du géomètre. Qu’est-ce en effet que ce prétendu sens de l’espace ? Quand nous voulons savoir si un animal le possède, quelle expérience faisons-nous ? Nous plaçons dans son voisinage des objets qu’il convoite, et nous regardons s’il sait faire sans tâtonnement les mouvements qui lui permettent de les atteindre. Et comment voyons-nous que les autres hommes sont doués de ce précieux sens de l’espace ? c’est parce qu’eux aussi, ils sont capables de contracter leurs muscles à propos pour atteindre les objets dont la présence leur est révélée par certaines sensations. Qu’y a-t-il de plus quand nous constatons le sens de l’espace dans notre propre conscience ? Ici encore, en présence de sensations variées, nous savons que nous pourrions faire des mouvements qui nous permettraient d’atteindre les objets que nous regardons comme la cause de ces sensations, et par là d’agir sur ces sensations, les faire disparaître ou les rendre plus intenses ; la seule différence c’est que pour le savoir, nous n’avons pas besoin de faire effectivement ces mouvements, il