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fantaisie ? Savons-nous si cette entité ne varie pas constamment comme la température d’un globe qui perd sa chaleur par rayonnement, et si cette variation n’entraîne pas celle de toutes les lois ?

IX

Revenons à notre monde imaginaire et demandons-nous si ses habitants ne pourraient pas, sans renouveler l’histoire des dormants d’Éphèse, s’apercevoir de cette évolution. Sans doute, si parfaite que soit la conductibilité calorifique sur leur planète, elle ne serait pas absolue, de sorte que des différences de température extrêmement légères y seraient encore possibles. Elles échapperaient longtemps à l’observation, mais il viendrait peut-être un jour où on imaginerait des appareils de mesure plus sensibles et où un physicien de génie mettrait en évidence ces différences presque imperceptibles. Une théorie s’édifierait, on verrait que ces écarts de température ont une influence sur tous les phénomènes physiques, et finalement quelque philosophe, dont les vues paraîtraient hasardées et téméraires à la plupart de ses contemporains, affirmerait que la température moyenne de l’univers a pu varier dans le passé et avec elle toutes les lois connues.