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devenir méconnaissable. Il affirmerait d’un côté que la température a dû rester la même, alors que par suite du bouleversement de toute la physique, les effets de la température seraient devenus tout différents, de sorte que le mot même de température aurait perdu toute espèce de sens. Évidemment, quoi qu’il arrive, ce ne sera jamais à une pareille conception qu’il s’arrêtera. La façon dont il conçoit la logique s’y oppose absolument.

VI

Et si l’humanité devait durer plus longtemps que nous ne l’avons supposé, assez longtemps pour voir les lois évoluer sous ses yeux ? Ou bien encore si elle venait à acquérir des instruments assez délicats pour que cette variation, toute lente qu’elle soit, devienne sensible après quelques générations ? Ce ne serait plus alors par induction, par inférence que nous connaîtrions les changements des lois, ce serait par observation directe. Les raisonnements précédents ne perdraient-ils pas toute valeur ? Les mémoires où seraient relatées les expériences de nos devanciers ne seraient encore que des vestiges du passé, qui ne nous donneraient de ce passé qu’une connaissance indirecte. Les vieux documents sont pour l’historien ce que les fossiles sont pour