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engendre au bout d’un jour l’état . Quelque loin que les déductions soient poussées, on n’arrivera donc jamais à un état physiquement impossible, c’est-à-dire à une contradiction. Si une de nos formules n’en était pas exempte, c’est qu’on aurait dépassé l’expérience, c’est qu’on aurait extrapolé. Supposons par exemple qu’on ait observé que dans telle ou telle circonstance la température d’un corps baisse d’un degré par jour ; si elle est actuellement de 20° par exemple, on conclura que dans 300 jours, elle sera de −280° ; et cela sera absurde, physiquement impossible, puisque le zéro absolu est à −273°. Qu’est-ce à dire ? Avait-on observé que la température passait en un jour de −279° à −280° ? Non, sans doute, puisque ces deux températures sont inobservables. On avait vu par exemple que la loi était vraie à très peu près entre 0° et 20°, et on en avait abusivement conclu qu’elle devait l’être encore jusqu’à −273° et même au delà ; on avait fait une extrapolation illégitime. Mais il y a une infinité de manières d’extrapoler une formule empirique, et parmi elles on peut toujours en choisir une qui exclue les états physiquement impossibles.

Nous ne connaissons les lois qu’imparfaitement ; l’expérience ne fait que limiter notre choix, et parmi toutes les lois qu’elle nous permet de choisir, on en trouvera toujours qui ne nous exposent pas