Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un Leverrier, connaissant les orbites actuelles des planètes, calcule, en se servant de la loi de Newton, ce que seront devenues ces orbites dans 10.000 ans. De quelque manière qu’il dirige ses calculs, il ne pourra jamais trouver que la loi de Newton sera fausse dans quelques milliers d’années. Il aurait pu, en changeant tout simplement le signe du temps dans ses formules, calculer ce qu’étaient ces orbites il y a 10.000 ans ; mais il est sûr d’avance de ne pas trouver que la loi de Newton n’a pas été toujours vraie.

En résumé, nous ne pouvons rien savoir du passé qu’à la condition d’admettre que les lois n’ont pas changé ; si nous l’admettons, la question de l’évolution des lois ne se pose pas ; si nous ne l’admettons pas, la question est insoluble, de même que toutes celles qui se rapportent au passé.

II

Mais, dira-t-on, ne pourrait-il se faire que l’application du processus précédent conduisît à une contradiction, ou, si l’on veut, que nos équations différentielles n’admissent aucune solution ? Puisque l’hypothèse de l’immutabilité des lois, posée au début de tous nos raisonnements, conduirait à une conséquence absurde, nous aurions démontré per absur-