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peut-être les meilleures et à coup sûr les plus nobles, mais ce sont celles dont on dispute ; il y en a une au moins, peut-être un peu plus terre à terre, sur laquelle nous ne pouvons pas ne pas être d’accord.

La vie de l’homme, en effet, est une lutte continuelle ; contre lui se dressent des forces aveugles, sans doute, mais redoutables qui le terrasseraient promptement, qui le feraient périr, l’accableraient de mille misères s’il n’était constamment debout pour leur résister.

Si nous jouissons parfois d’un repos relatif, c’est parce que nos pères ont beaucoup lutté ; que notre énergie, que notre vigilance se relâchent un instant, et nous perdons tout le fruit de leurs luttes, tout ce qu’ils ont gagné pour nous. L’humanité est donc comme une armée en guerre ; or, toute armée a besoin d’une discipline, et il ne suffit pas qu’elle s’y soumette le jour du combat ; elle doit s’y plier dès le temps de la paix ; sans cela, sa perte est certaine, il n’y aura pas de bravoure qui puisse la sauver.

Ce que je viens de dire s’applique tout aussi bien à la lutte que l’humanité doit soutenir pour la vie : la discipline qu’elle doit accepter s’appelle la morale. Le jour où elle l’oublierait, elle serait vaincue d’avance et plongée dans un abîme de maux. Ce jour-là, d’ailleurs, elle subirait une