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Quel moyen avons-nous alors de connaître le passé géologique, c’est-à-dire l’histoire des temps où les lois auraient pu autrefois varier ? Ce passé n’a pu être directement observé et nous ne le connaissons que par les traces qu’il a laissées dans le présent, nous ne le connaissons que par le présent, et nous ne pouvons l’en déduire que par le processus que nous venons de décrire, et qui nous permettrait également d’en déduire l’avenir. Or, ce processus est-il capable de nous révéler des changements dans les lois ? Évidemment non ; nous ne pouvons précisément l’appliquer qu’en supposant que les lois n’ont pas changé ; nous ne connaissons directement que l’état du lundi par exemple, et les règles qui lient l’état du dimanche à celui du lundi ; l’application de ces règles nous fera alors connaître l’état du dimanche ; mais si nous voulons pousser plus loin et en déduire l’état du samedi, il faut de toute nécessité que nous admettions que les mêmes règles qui nous ont permis de remonter du lundi au dimanche, étaient encore valables entre le dimanche et le samedi. Sans cela, la seule conclusion qui nous serait permise, c’est qu’il est impossible de savoir ce qui s’est passé le samedi. Si alors l’immutabilité des lois figure dans les prémisses de tous nos raisonnements, nous ne pouvons pas ne pas la trouver dans nos conclusions.