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vant les races et les latitudes ; que cela peut nous apprendre à discuter ce qui devrait être accepté aveuglément, nous habituer à apercevoir la contingence où il importerait que nous ne vissions que la nécessité. Et ils n'ont peut-être pas non plus tout à fait tort. Mais, franchement, n'est-ce pas là s'exagérer l'influence sur les hommes de théories à fleur de peau, d'abstractions qui leur resteront toujours extérieures ? Quand des passions, les unes généreuses, les autres basses, se disputent notre conscience, de quel poids, auprès d'adversaires si puissantes peut peser la distinction métaphysique du contingent et du nécessaire ?

Je ne puis pourtant passer sous silence un point important, malgré le peu de temps qui me reste pour le traiter. La science est déterministe; elle l'est a priori ; elle postule le déterminisme, parce que sans lui elle ne pourrait être. Elle l'est aussi a posteriori ; si elle a commencé par le postuler, comme une condition indispensable de son existence, elle le démontre ensuite précisément en existant, et chacune de ses conquêtes est une victoire du déterminisme. Peut-être une conciliation est-elle possible ; peut-on admettre que cette marche en avant du déterminisme se poursuivra sans arrêt et sans recul, sans connaître d'obstacle infranchissable et que cependant l'on n'a pas le droit de passer à la limite, comme nous disons nous autres