Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.

terribles destructeurs, mais ce ne sont… j’allais dire que ce ne sont pas des savants, mais je m’aperçois que beaucoup d’entre eux ont rendu de grands services à la science ; ils sont donc des savants, seulement ils ne le sont pas à cause de cela, mais malgré cela.

La vraie science craint les généralisations hâtives, les déductions théoriques ; si le physicien s’en défie, bien que celles auxquelles il a affaire soient cohérentes et solides, que doit faire le moraliste, le sociologue, quand les soi-disant théories qu’il trouve devant lui se réduisent à des comparaisons grossières comme celle des sociétés avec les organismes ! La science, au contraire, n’est et ne peut être qu’expérimentale et l’expérience en sociologie, c’est l’histoire du passé ; c’est la tradition que l’on doit critiquer sans doute, mais dont on ne doit pas faire table rase.

D’une science animée du véritable esprit expérimental, la morale n’a rien à craindre ; une pareille science est respectueuse du passé, elle est opposée à ce snobisme scientifique, si facile à duper par les nouveautés ; elle n’avance que pas à pas, mais toujours dans le même sens et toujours dans le bon sens ; le meilleur remède contre une demi-science, c’est plus de science.

Il y a encore une autre manière de concevoir les rapports de la science et de la morale ; il n’est