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mum ; il doit s'en servir. Mais, à cet égard, on doit s'en rapporter à sa conscience; toute intervention légale serait inopportune et un peu ridicule ; le Parlement peut tout, dit-on en Angleterre, excepté changer un homme en femme ; il peut tout, dirai-je, excepté rendre un arrêt compétent en matière scientifique. Il n'y a pas d'autorité qui puisse édicter des règles pour décider si une expérience est utile.

Mais je reviens à mon sujet ; il y a des gens qui disent que la science est desséchante, qu'elle nous attache à la matière, qu'elle tue la poésie, source unique de tous les sentiments généreux. L'âme qu'elle a touchée se flétrit et devient réfractaire à tous les nobles élans, à tous les attendrissements, à tous les enthousiasmes. Cela, je ne le crois pas, et j'ai dit tout à l'heure le contraire, mais il y a là une opinion très répandue, et qui doit avoir quelque fondement, elle prouve que la même nourriture ne convient pas à tous.

Que devons-nous conclure ? La science, largement entendue, enseignée par des maîtres qui la comprennent et qui l'aiment, peut jouer un rôle très utile et très important dans l'éducation morale. Mais ce serait une faute de vouloir lui donner un rôle exclusif. Elle peut faire naître des sentiments bienfaisants, qui peuvent servir de moteur moral ; mais d'autres disciplines le peuvent égale-