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DERNIÈRES PENSÉES

je serai ainsi amené non à des conclusions proprement dites, mais à diverses réflexions qui ne seront peut-être pas dénuées d’intérêt. Si, chemin faisant, je me laisse aller à parler un peu longuement de certaines questions connexes, on voudra bien me le pardonner.

I

Plaçons-nous d’abord au point de vue du mathématicien. Admettons pour un instant que les lois physiques aient subi des variations dans le cours des âges, et demandons-nous si nous aurions un moyen de nous en apercevoir. N’oublions pas d’abord que les quelques siècles pendant lesquels l’humanité a vécu et pensé, ont été précédés de périodes incomparablement plus longues où l’homme ne vivait pas encore ; ils seront sans doute suivis d’autres périodes où notre espèce aura disparu. Si l’on veut croire à une évolution des lois, elle ne peut sans contredit être que très lente, de sorte que, pendant le peu d’années où l’on a pensé, les lois de la nature n’ont pu subir que des changements insignifiants. Si elles ont évolué dans le passé, il faut comprendre par là le passé géologique. Les lois d’autrefois étaient-elles celles d’aujourd’hui, les lois de demain seront-elles encore les mêmes ?