Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quêtes d'hier ne sont pas compromises ; en tous les points où elle s'écarte de celle de Newton, la Mécanique de Lorentz subsiste. On continue à croire qu'aucun corps mobile ne pourra jamais dépasser la vitesse de la lumière, que la masse d'un corps n'est pas une constante, mais qu'elle dépend de sa vitesse et de l'angle que fait cette vitesse avec la force qui agit sur lui, qu'aucune expérience ne pourra jamais décider si un corps est en repos ou en mouvement absolu, soit par rapport à l'espace absolu, soit même par rapport à l'éther.

Seulement à ces hardiesses, on veut en ajouter d'autres, et beaucoup plus déconcertantes. On ne se demande plus seulement si les équations différentielles de la Dynamique doivent être modifiées, mais si les lois du mouvement pourront encore être exprimées par des équations différentielles. Et ce serait là la révolution la plus profonde que la Philosophie Naturelle ait subie depuis Newton. Le clair génie de Newton avait bien vu (ou cru voir, nous commençons à nous le demander) que l'état d'un système mobile, ou plus généralement celui de l'univers, ne pouvait dépendre que de son état immédiatement antérieur, que toutes les variations dans la nature doivent se faire d'une manière continue. Certes, ce n'était pas lui qui avait inventé cette idée ; elle se trouvait dans la pensée des anciens et des scolastiques, qui proclamaient