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pensé indépendamment d'un sujet pensant. C'est bien là de l'idéalisme. Et comme un sujet pensant c'est un homme, ou quelque chose qui ressemble à l'homme, que c'est par conséquent un être fini, l'infini ne peut avoir d'autre sens que la possibilité de créer autant d'objets finis qu'on le veut.

Et alors on peut faire une remarque assez curieuse. Les réalistes se placent d'ordinaire au point de vue physique ; ce sont les objets matériels, ou les âmes individuelles, ou ce qu'ils appellent les substances, dont ils affirment l'existence indépendante. Le monde pour eux existait avant la création de l'homme, avant même celle des êtres vivants ; il existerait encore même s'il n'y avait pas de Dieu ni aucun sujet pensant. Cela, c'est le point de vue du sens commun, et ce n'est que par la réflexion qu'on peut être amené à l'abandonner. Les partisans du réalisme physique sont en général finitistes; dans la question des antinomies kantiennes, ils tiennent pour les thèses ; ils croient que le monde est limité. Telle est par exemple la manière de voir de M. Evellin. Au contraire les idéalistes n'ont pas les mêmes répugnances et sont tout prêts à souscrire aux antithèses.

Mais les Cantoriens sont réalistes, même en ce qui concerne les entités mathématiques ; ces entités leur paraissent avoir une existence indé-