Page:Henri Poincaré - Dernières pensées, 1920.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela, il lui aurait fallu s'appuyer sur d'autres vérités déjà établies ; or des vérités déjà établies, une science déjà faite, il suppose qu'il n'y en a pas encore, il fait table rase, et il veut que ses axiomes se suffisent entièrement à eux-mêmes.

Les postulats ne peuvent donc tirer leur valeur d'une sorte de décret arbitraire, il faut qu'ils soient évidents par eux-mêmes. Il nous faudra donc, non pas démontrer cette évidence, puisque l'évidence ne se démontre pas, mais chercher à pénétrer le mécanisme psychologique qui a créé ce sentiment de l'évidence. Et voici d'où provient la difficulté ; M. Zermelo admet certains axiomes, et il en rejette d'autres qui, au premier abord, peuvent sembler aussi évidents que ceux qu'il conserve ; s'il les conservait tous, il tomberait dans la contradiction, il lui fallait donc faire un choix, mais on peut se demander quelles sont les raisons de son choix, et c'est ce qui nous oblige à quelque attention.

Ainsi il commence par rejeter la définition de Cantor : un ensemble est la réunion d'objets distincts quelconques considérés comme formant un tout. Je n'ai donc pas le droit de parler de l'ensemble de tous les objets qui satisfont à telle ou telle condition. Ces objets ne forment pas un ensemble, une Menge, mais il faut bien mettre quelque chose à la place de la définition qu'on rejette.