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définition des probabilités.

On se laissera souvent guider par un sentiment vague qui s’impose avec puissance, qu’on ne saurait pourtant justifier, mais sans lequel, en tout cas, aucune science ne serait possible. Les lois les mieux établies ne le sont que par des expériences isolées dont on a été obligé de généraliser les résultats. Quand Képler déduisait ses lois des observations de Tycho-Brahé, on aurait pu lui objecter : « Tycho-Brahé n’a pas toujours regardé le ciel, et, pendant qu’il ne l’observait pas, la loi que vous cherchez n’a-t-elle pas changé ? »

Il aurait certainement trouvé l’objection ridicule et aurait répondu : « Cette hypothèse est bien invraisemblable. » C’eût été là faire appel à ce sentiment mal défini de la probabilité.

9. Un problème plus délicat que celui de la probabilité des effets est celui de la probabilité des causes.

Dans notre urne de tout à l’heure, nous savions qu’il y avait boules blanches et boules noires ; quand nous cherchions la probabilité de tirer une blanche, la cause était connue : c’était une urne avec blanches et noires.

Mais, problème inverse, je puis savoir qu’il y a en tout boules, sans connaître comment elles sont réparties. Je tire une noire : quelle est la probabilité pour qu’il y ait plus de noires que de blanches ? C’est une probabilité de cause.

On en recherche constamment de pareilles en Physique ; les lois ne nous sont connues que par leurs effets qu’on observe. Chercher à en déduire les lois qui sont des causes c’est résoudre un problème de probabilité des causes.

10. Sans insister davantage sur le côté métaphysique des