Il y a toutefois une différence entre l'élasticité ordinaire, celle des solides, et l'élasticité rotationnelle de Lord Kelvin. Quand on- déforme un solide, son élasticité est mise en jeu ; mais elle ne l'est plus quand on le fait tourner en changeant son orientation dans l'espace, mais sans changer sa forme. Il n'en est pas ainsi des systèmes articulés de Lord Kelvin. On ne peut changer leur orientation sans avoir à vaincre une sorte de résistance élastique. On peut donc, avec cette nouvelle manière de voir, supposer que les diverses parties de l'éther tendent à conserver leur orien- tation, qu'on ne peut les en écarter sans dépenser du travail., et qu'elles y reviennent quand la force extérieure cesse d'agir. On peut greffer l'hypothèse de Lord Kelvin, soit sur la théorie de Fresnel, soit sur celle de Neumann. Dans l'un ou l'autre cas l'énergie totale est représentée par la somme des expressions (a.) et (3) et elle est,tout entière cinétique. Seulement, dans l'hypothèse de Fresnel, l'expression (2) représente la force vive des vibrations de l'éther qui sont relati- vement des mouvements d'ensemble ; l'expression (3) représente la force vive de mouvements tourbillonnaires beaucoup plus intimes encore ('ou plutôt la partie variable de cette force vive)-. Dans l'hypothèse de Neumann, c'est l'inverse ; on n'a plus d'ailleurs à supposer l'existence de la force de Kirchlioff. Dans l'un et l'autre cas on peut appeler énergie potentielle apparente, la partie de l'énergie totale qui est due aux mouve- ments tourbillonnaires intimes. On peut s'étonner qu'en partant de deux points de départ aussi différents, on arrive, a la même expression de'l'énergie. Dans la théorie ordinaire, une rotation sans déformation n'entraîne pas de résistance élastique, tandis que, dans la théorie de Lord Kel- vin elle en fait naître. Comment l'énergie totale a-t -elle même valeur dans les deux cas ? C'est ce qu'au premier abord on a quelque difficulté à s'expliquer. On s'en rend compte en remarquant que l'éther est un milieu indéfini ; une perturbation ne peut atteindre qu'une partie finie de ce milieu, les parties les plus éloignées restant en repos. Il est aisé de se rendre compte que dans un pareil milieu une partie ne peut tourner sans se déformer, sans que d'autres par-
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