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l'on pourrait la transformer en travail mécanique susceptible d'être transformé à son tour, par frottement, en chaleur à tem- pérature aussi élevée qu'on voudrait ; ce serait contraire au principe de Clausius. Une autre conjecture est possible : la loi de Joule s'appli- querait, mais la pile consommerait davantage pour donner le même courant. En d'autres termes la loi de Faraday ne s'appli- querait pas aux courants qui produisent un travail mécanique. Cette hypothèse est fort invraisemblable ; si j'ai une pile à Paris et que je la relie par des fils à une machine située à Creil, il serait étrange que, l'intensité restant toujours la mème, la loi de Faraday cessât de s'appliquer à Paris quand le courant travaille a Creil. Malgré l'invraisemblance de ces deux hypothèses, on a peut- être eu tort d'en regarder la fausseté comme évidente, mais j'appellerai plus particulièrement l'attention sur deux autres objections de M. Bertrand qui me semblent beaucoup plus graves. Il ne s'agit plus en effet d'hypothèses que l'expérience démontre fausses et qu'on n'aurait pas du pourtant rejeter a priori, mais de circonstances réelles dont on a souvent oublié de tenir compte en s'exposant ainsi à des erreurs. En premier lieu, lorsque deux courants s'attirent, ils de- viennent solidaires, et l'on n'a pas le droit, quoiqu'on le fasse constamment, d'appliquer le principe de la conservation de l'énergie à l'un d'entre eux seulement : il faut considérer le système des deux courants. Ce n'est pas tout : l'éther a une force vive variable dont il faut tenir compte dans les calculs, comme de la force vive de l'air que met en mouvement un moulin à vent. Ici il y a deux manières de présenter l'objection : on peut supposer qu'un courant permanent rayonne de la force vive comme une lampe constante rayonne de la lumière ; on peut supposer au contraire que la force vive de l'éther reste constante dès que l'état de régime est atteint et qu'il n'y en a point d'empruntée au cou- rant : c'est seulement pendant la période variable que la force vive de l'éther varie ; quand le courant croît, l'éther absorbe de la force vive qu'il restitue au moment où le courant décroît.