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INTRODUCTION

La première fois qu’un lecteur français ouvre le livre de Maxwell, un sentiment de malaise, et souvent même de défiance se mêle d’abord à son admiration. Ce n’est qu’après un commerce prolongé et au prix de beaucoup d’efforts, que ce sentiment se dissipe. Quelques esprits éminents le conservent même toujours.

Pourquoi les idées du savant anglais ont-elles tant de peine à s’acclimater chez nous ? C’est sans doute que l’éducation reçue par la plupart des Français éclairés les dispose à goûter la précision et la logique avant toute autre qualité.

Les anciennes théories de la physique mathématique nous donnaient à cet égard une satisfaction complète. Tous nos maîtres, depuis Laplace jusqu’à Cauchy ont procédé de la même manière. Partant d’hypothèses nettement énoncées, ils en ont déduit toutes les conséquences avec une rigueur mathématique, et les ont comparées ensuite avec l’expérience. Ils semblent vouloir donner à chacune des branches de la Physique la même précision qu’à la Mécanique Céleste.

Pour un esprit accoutumé à admirer de tels modèles, une théorie est difficilement satisfaisante. Non seulement il n’y tolèrera pas la moindre apparence de contradiction, mais il exigera que les diverses parties en soient logiquement reliées les unes aux autres et que le nombre des hypothèses distinctes soit réduit au minimum.

Ce n’est pas tout, il aura encore d’autres exigences qui me paraissent moins raisonnables. Derrière la matière qu’atteignent nos sens et que l’expérience nous fait connaître, il voudra voir