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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

sur la lutte ; quant au rieur, il se tordait toujours silencieusement.

Enfin tout s’arrangea, grâce au calme du conducteur : le bossu reprit ses sens et descendit, le conscrit le suivit, et nous les vîmes se serrer la main sur le trottoir et s’acheminer de concert vers un café voisin.

À propos de café, la soif commence à me torturer cruellement. Il fait une chaleur de 30 degrés : le soleil se cache derrière des nuages amoncelés ; l’air est lourd.

Nous quittons la rue Saint-Honoré pour prendre la rue de la Paix. — Nous côtoyons un angle du ministère des finances.

Certes, je ne suis pas envieux ; mais j’avoue n’avoir jamais contemplé sans une certaine émotion ce vaste hôtel aux fenêtres grillées de forts barreaux. Non content d’exciter la convoitise du public par le mot : Finances, attaché à cet édifice, l’État a trouvé bon d’y joindre celui de : Trésor, sans doute afin que toute confusion fût impossible et que chacun fût assuré des monceaux d’or qui s’y engloutissent. Sous des dehors tranquilles et honnêtes, cette maison est un monstre sans pitié ; tous les jours, pour nourrir cette hydre affamée, on voit s’acheminer vers la rue de Rivoli des voitures couvertes, fermées, escortées de gardes, et qui renferment le repas du dragon ; là sont les millions qu’il dévore ; tout passe par une certaine porte, qui se referme, et l’on n’entend plus parler de rien.

Aussi le vulgaire, voyant tant de choses entrer dans une maison d’où jamais il ne voit rien sortir, le vulgaire croit-il à des caves secrètes, ténébreuses, immenses, où vont dormir les richesses des nations, pour ne reparaître qu’au dernier jugement. Il s’étonne qu’un si faible espace contienne tant de fortunes, tant de vies, et lève des regards pleins d’un curieux