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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

renversait ; alors il se tenait aux barres de fer ménagées à cet effet, mais il avançait un pied, puis l’autre ; enfin, reconnaissant son inaptitude, il essayait de regagner sa place, où il roulait ses pieds en l’air.

L’ivrogne continuait son récit.

Le monsieur sérieux souriait.

Le rieur éclatait.

Enfin ce dernier indiqua à l’infortuné le bout de la corde traînant qui sert de signal au conducteur ; notre bossu rampa plus qu’il ne marcha jusqu’à cette dernière branche de salut, à laquelle il s’accrocha, tirant à lui avec l’énergie du désespoir. Le cocher crut à un désir de l’intérieur, et arrêta, mais trop tard. La force employée par notre compagnon avait été si violente, que la corde n’y résista pas ; un bout lui vint en main ; il chancela et le brusque mouvement que fit la voiture en s’arrêtant, acheva de troubler son équilibre… à ce point que, pour ne pas dégringoler jusqu’en bas, il se jeta avidement sur la basque de tunique d’un conscrit, son voisin. La basque vint, le militaire suivit la basque, et roula sur le bossu ; tous deux alors, s’accusant mutuellement de leur chute, des injures passèrent aux coups ; et nous assistâmes à un violent combat sur les planches de l’impériale, tandis que le conducteur étonné criait d’en bas : Descendez donc là-haut ! et que le cocher flegmatique manifestait sa stupéfaction au sujet de la lenteur des femmes en général.

La lutte continuait terrible, et l’intervention du conducteur suffisait difficilement à séparer les antagonistes ; le bossu surtout, qui plus faible était plus irrité, jurait qu’il ne descendrait qu’avec le conscrit, afin de le faire repentir de son agression. Celui-ci assurait qu’il n’avait insulté personne, et réclamait à grands cris son coupe-choux tombé de la voiture ; le monsieur sérieux écoutait les appréciations de l’ivrogne